De la macronie comme handicap pour le monde par Serge Rivron

Lundi 18 mars 2019

Même si l’on s’accorde souvent sur le fait que Macron a assez démérité pour qu’on puisse envisager de le débarquer, on nous rebat les oreilles, dans les médias, les assemblées, dans les débats grands ou petits qui agitent la Toile, les bistrots ou les tablées familiales, de la question à deux balles : “qui pour le remplacer ?” Quel “homme providentiel ?” Et d’énumérer ensuite comme autant de pommes de discorde le nom des principaux leaders politiques, opposants majeurs ou simple relève... Il n’y a que sur les ronds-points, au fond, que la question ne se pose pas - ou avec beaucoup moins d’angoisse. Parce qu’en vérité, l'une des principales "revendications" des Gilets Jaunes, la plus puissante même si sous-jacente, c'est le refus, par nausée finale, de la délégation de représentation. Et partant, le refus de tout report de l’action dans l’attente d’un “sauveur”.

On leur a beaucoup reproché de ne pas avoir de représentants. Si, bien sûr, c'est une faiblesse dans le système de pensée politique auquel nous sommes habitués depuis le coup d’État de Napoléon, en novembre 1799, ce fut aussi dès ses prémices la force du mouvement, et l’une des raisons qui m’a fait y adhérer de tout mon cœur depuis le début. Contrairement aux fadaises qui se racontent sur lui (racisme, xénophobie, antisémitisme, violence, revendications hétéroclites et incohérentes...), ce mouvement, cette insurrection civile, a rapidement montré être plus une quête d’utopie qu’un banal mouvement social. Chaque rond-point est une sorte de phalanstère, où les personnes rassemblées réinventent d’abord entre elles les règles et les aspirations d’une vie collective, dans un monde qui avait oublié la notion même de collectif - à part, et encore, dans les sports d’équipes. De là qu’il ait fallu un peu de temps pour qu’émergent des “revendications” qui puissent répondre à l’angoisse médiatique et de la doxa face à l’absence de réclamations faciles à classer, à satisfaire parfois mais surtout à moquer ou à éteindre.

Oui, ce mouvement est insurrectionnel, autant qu’il est profond dans sa volonté d’en finir avec la figure fallacieuse d’un monarque élu. Il ressemble en ce sens à toutes les mutineries, à tous les soulèvements, et veut aboutir comme eux au renversement du régime en place, rêvant de le remplacer par cette “autre chose”, qui n’a pas encore de nom, et encore moins de figure. C'est bien sûr périlleux pour le corps social dans son ensemble et terrifiant pour le "système", qui a assez montré sa trouille panique et son incompréhension, et qui en retour a provoqué la violence en espérant apeurer les insurgés et affoler l’aspirant au confort et au calme qui sommeille en chacun de nous.

Pour le moment, ça n'a pas vraiment marché, malgré l'énorme puissance de tir à la disposition du pouvoir : sphère médiatique quasi unanime, moyens policiers, moyens judiciaires, moyens législatifs... Ces imbéciles ont radicalisé le mouvement sans vraiment parvenir au point de bascule de l'opinion. Le gouvernement de Macron ne sert plus à rien d'autre depuis la mi-décembre qu'à tenter par tous les moyens d'écraser la révolte et de protéger les intérêts financiers et le pouvoir de la minorité de profiteurs mondialistes qui l'a fait élire. C'est peu, comme utilité sociale. C'est à peu près nul, même. En réalité, la macronie fait perdre son temps politique à la société française, à un peuple fatigué d’être trompé et ruiné par ses “élites”, et qui n'aspire qu'à se ressaisir de sa vocation historique d'inventer l'humanité de demain, d'en prendre soin. Nous l’avons exhorté de s’en aller, il n’en a rien fait. Aucun pouvoir ne cède la place qu’on ne l’y contraigne. Celui-ci est si imbu de lui-même que même s’il perdait les prochaines élections, malgré tous ses trafics politiciens, il s’accrocherait encore. Chaque jour qui passe, l'urgence qu'il dégage se fait plus évidente, mais chaque jour nous devons faire malgré. Il faut hélas se faire à cette idée, en attendant : Macron et ses suppôts font perdre du temps à notre nation, et probablement à la Terre.

J’veux du soleil - le film de Ruffin et Perret
Samedi 4 mai 2019
Vu hier soir la version courte de J'veux du soleil, diffusée par les amis Gilets Jaunes du rond-point des Arthauds dans la salle du Conseil d'une mairie du coin.
Joyeux, émouvant : François Ruffin a le sens de la joie et de la fraternité. Son Merci patron! donnait la pêche, apportait de l'espoir. Là, on a l'impression que le jeu s'est un peu inversé, c'est lui et son comparse Gilles Perret (co-réalisateur) qui seraient allés se réchauffer l'espoir auprès des révoltés de la France exploitée, de ceux qui d'avoir tant subi se sont retrouvés sur les ronds-points, avant d'entamer un cycle de défilés qui font encore, six mois après, trembler la plupart des nantis et tous les cupides cette révolte des Gilets Jaunes qui ébranle le système et le fera peut être enfin s'écrouler dans l'espoir, qui sait ? d'un monde plus fraternel.
Car c'est bien la fraternité, la quête principale de ces petits patrons, de ces chômeurs, de ces estropiés, de ces artisans, de ces femmes et de ces hommes esseulés et que la colère d’avoir été trahis trop longtemps a fait enfiler un gilet jaune et sortir de chez eux. Et c’est aussi celle des réalisateurs, cette quête de fraternité, étonnés qu’ils sont finalement de la trouver partout dans ce mouvement que les puissants ont dès le début essayé de couvrir de boue pour en faire haïr les participants. Ils ont été traité de tout, et Ruffin et Perret ont aussi entamé leur tour de France des ronds-points en prenant le risque de s'apercevoir que les Gilets Jaunes étaient un ramassis de xénophobes, de racistes, d'antisémites, de violents, de fachos revanchards, de brutes irrespectueuses, d'analphabètes et d'idiots. Au lieu de ça, ils ont rencontré "des gens", comme le dit Ruffin en commentaire. Des gens comme tous les gens, complexes, mais animés surtout du désir d'être enfin entendus par des édiles et un système de représentation qui les méprisent, cette médiature engluée dans un entre-soi létal, et qui condamne le reste du monde, peuples et Terre, à soutenir ses profits ou à périr.
Oui, J'veux du soleil est une belle leçon de vie, donnée par des gens que leur parcours souvent épuisant et désespérant n'a pas brisés, et qui ont retrouvé dans le fait de se parler, se découvrant nombreux, la dignité et l'espoir que le système leur vole au quotidien. Et l'on comprend aussi pourquoi ceux qui ont bravé le froid et la nuit de l'hiver pour manifester leur colère sur des ronds-points boueux, ne sont pas près d'abandonner le combat malgré tous les coups qu'on leur donne, toute la violence morale et physique dont on les accable. A la sortie, je n'ai pu m'empêcher de penser que la haine que le pouvoir affolé a réussi à susciter contre eux dans une partie de l'opinion est sans doute égale, hélas, à l'horreur que s'inspirent, au fond d'eux-mêmes ceux qui, par égoïsme, cupidité, peur, bêtise - ou les quatre ensemble - se sont coupés de l'humilité et méprisent la pauvreté, qui font l'honneur d'être Homme.

4 thoughts on “De la macronie comme handicap pour le monde par Serge Rivron”

  1. Denis Marulaz dit :

    Tout à fait en accord. Partagé ! Bon courage à toustes !
    D.M.

  2. LESCHIERA Eric dit :

    Content de te retrouver encore debout et toujours sur le pont !
    Ayant perdu ta trace et le privilège de lire tes billets savoureux depuis si longtemps , est-ce le hasard qui me ramène à toi, ou bien le vacarme assourdissant que tu sais parfaitement provoquer ?
    Partage de l'analyse sur le handicap, je pousserais même jusqu'au danger !
    Oui, l'avenir est au combat, et ceux qui nous attendent seront certainement et rapidement les plus terribles !

    Un bonjour d'Occitanie.
    Porte toi bien, Serge.
    Eric LESCHIERA

  3. Serge Rivron dit :

    Merci de ce petit mot, Eric !
    Et à bientôt peut-être, en Occitanie ou ailleurs !

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