Annexes (Le roman de notre pensée)

2014

Pourquoi les Quelques-Uns ?
Parce qu’il faut faire quelque chose.
Pourquoi à Quelques-Uns ?
Parce qu’Archimède… Parce qu’il suffit de trouver le point où faire levier. Or, l’époque est lourde, et sourde, si elle n’est pas seulement cela - comme toute époque à sa façon.
Pourquoi Quelques-Uns ? Parce que l’acupuncture… Parce qu’il faut être peu, toujours, pour agir sur l’ensemble, parce qu’il faut le stylet fin, pour diffuser les ondes - sinon, ça ne marche pas. Parce qu’il ne faut pas grand-chose dès qu’on repère les zones névralgiques, et c’est cela, « la poésie avant l’action ». Parce qu’il suffit d’une pression poétique constante et pointue, pour agir sur l’Ambiance, sur ses langages, formes, pensées, opinions du moment. Parce que l’Ambiance culturelle française est pesante, oui, et l’Ambiance idéologique au désarroi.
Pourquoi les Quelques-Uns ? Parce qu’Aristote… Parce que la République est aristocratie au sens propre, parce que la République filtre et diffuse les quelques uns, qui, en tout milieu, travaillent la chose publique.Et pourquoi donc ces Quelques-Uns-ci, après s’être vus et écrits plus d’un an, se mêlent-ils à présent d’écrire en revue à qui pveut entendre ? Parce qu’il faut bien faire le travail là où il est mal ou peu fait. Parce qu’ils ont envie de parler comme ils font entre eux, de reparler littérature, idées, économie politique, fictions d’opinion et d’inconscient, liberté de dire ce qui n’est pas bon du tout et ce qui n’est pas mauvais, du tout. Parce qu’il faut bien changer ce qui navre en proposant ce que nul, pas même les Quelques-Uns, ne sait ce qu’il va découvrir encore.
Qu’est-ce que les Quelques-Uns ? Une bande qui campe, campe dans sa Tour-d’y-voir-venir, poste neuf, d’où ils aimeraient transformer en voyant venir, avec tous les quelques uns qu’ils ne connaissent pas encore.
Car enfin, qu’est-ce qu’être Quelques-Uns ? C’est n’être pas grand-chose, et faire quelque chose.

Jean-Philippe Domecq

2014

D’où c’est venu, cette histoire de Quelques Uns ? Voici un an et demi, je me suis mis à inviter à dîner chez moi, à dates fixes, celles et ceux qui, écrivant ce qu’on appelle de la littérature ou gravitant autour, me sont chers par l’amitié et la confiance d’esprit qu’ils m’inspirent. M’inspirent est le mot car toujours avec eux j’étais stimulé, j’entendais ce dont je n’aurais pas eu idée seul, imaginais grâce à eux et à ce qu’ils me renvoyaient. Bref, c’est simple : l’amitié stimulante. Et… l’absence d’ennui enfin. Fini de prévoir quinze phrases à l’avance ce que tel ou telle va dire. Je m’offrais donc, grâce à ces quelques êtres, entre douze et quinze, une fois par mois, de quoi ne plus sortir du mois et sortir du moi. Et ça a marché. Et d’autres se sont joints, qui n’étaient pas amis mais fins lecteurs, fines écritures, en affinités filtrées par la démocratie culturelle. Tous, chacune, chacun à cette table plus que ronde et, ma foi, vue de ma place à table, plutôt belle en Europe, ont composé une société où chacun a misé ses raisons d’être là, ses interrogations et découvertes. Machiavel faisait partie d’une société secrète où, une fois par mois, il était interdit de dire la vérité, de tout le dîner, sous peine de gages. Il n’y eut pour notre part ni mensonges ni gages, ni vertu sans désir. Bien sûr, nous avons un peu de mémoire et n’ignorons pas qu’il y eut aussi et toujours dans l’Histoire, des Lumières aux Situationnistes en passant par les Surréalistes, ou du Groupe 47 en Allemagne comme autour de Max Brod;à Prague, cette nécessité et cette émulation du partage qui change la vision et la donne réelle ; nous n’ignorons pas non plus la logique groupusculaire qui, après la logique mondaine, a exclu, de façons plus que fâcheuses en leur temps. Nous comptons être instruits par l’Histoire, c’est bien le moins, et estimer que les temps contemporains ne prêtent plus à promotion d’idéologie unilatérale, c’est mieux, et cette tolérance d’esprit implique l’engagement de responsabilité, c’est encore mieux.

Jean-Philippe Domecq